Court-circuiter le cancer : ralentir la propagation des cancers du sein agressifs en s’attaquant aux centrales énergétiques des cellules cancéreuses

Dr Peter Siegel et ses stagiaires Sarah Maritan et Alex Nowakowski

Selon la Société canadienne du cancer, une Canadienne sur huit recevra un diagnostic de cancer du sein au cours de sa vie. Si la recherche a permis des avancées majeures dans le dépistage et les traitements, les cancers du sein de stade 4 demeurent une menace : au Canada, le taux de survie après cinq ans se situe autour de 23 %.

Canada, le taux de survie après cinq ans se situe autour de 23 %. Des chercheuses et chercheurs comme la Dre Julie St-Pierre, à l’Université d’Ottawa, et le Dr Peter Siegel, à l’Université McGill, misent sur la science fondamentale pour découvrir de nouveaux traitements prometteurs contre ces formes agressives de cancer du sein. L’équipe a récemment trouvé des éléments laissant penser qu’il serait possible de freiner la progression des métastases dans les cancers du sein réfractaires en modifiant le métabolisme énergétique des cellules cancéreuses.

Tout a commencé par une étude des mitochondries, ces organites responsables de la production d’énergie au sein des cellules. « Les mitochondries jouent un rôle important dans le métabolisme cellulaire », énonce la Dre St-Pierre avant d’ajouter que « ce sont les centrales énergétiques des cellules ». Les mitochondries des cellules cancéreuses font preuve d’une étonnante capacité d’adaptation, fusionnant ou se fragmentant pour résister aux agressions extérieures et continuer à produire de l’énergie. « Nous voulions savoir si le mode d’organisation des mitochondries avait une incidence sur le mode de propagation des cellules du cancer du sein à d’autres parties du corps », poursuit le Dr Siegel.

L’équipe a observé en laboratoire une prédominance de mitochondries fragmentées dans les cellules des cancers du sein hautement métastatiques, tandis que dans les formes moins agressives de la maladie, les mitochondries étaient fusionnées. Pour approfondir ce lien, les Drs St-Pierre et Siegel ont établi un profil d’expression génique des cellules cancéreuses contenant des mitochondries fusionnées. L’analyse d’un vaste ensemble de données sur le cancer du sein chez l’humain a révélé que les personnes atteintes de tumeurs présentant ce profil voyaient leurs chances de survie augmenter.

L’équipe a également voulu savoir si des médicaments existants pourraient favoriser la fusion mitochondriale dans les cellules cancéreuses du sein. Un médicament destiné à traiter la polyarthrite rhumatoïde, le léflunomide, a suscité de grands espoirs. De retour au laboratoire, l’équipe a découvert avec enthousiasme que le léflunomide entraînait effectivement la fusion mitochondriale et ralentissait la progression des métastases de cancer du sein chez les souris.

Dre Julie St-Pierre (Photo : Université d’Ottawa)

Les Drs St-Pierre et Siegel consultent maintenant le milieu de la recherche sur le cancer afin de déterminer la suite des choses. « Il est important de comprendre le mécanisme exact par lequel ces réseaux de mitochondries fusionnées diminuent la capacité métastatique – la capacité à se propager – de ces cellules cancéreuses », explique le Dr Siegel. Le phénomène se limite-t-il à certains organes vers lesquels les cellules sont susceptibles de migrer? Les mitochondries fusionnées altèrent-elles la capacité de propagation cellulaire différemment selon le type de cancer du sein?

Si ces questions restent à approfondir, il n’en demeure pas moins que les constatations préliminaires des Drs St-Pierre et Siegel ouvrent la voie à de nouvelles possibilités thérapeutiques contre les cancers du sein agressifs. La chercheuse et le chercheur jugent pertinent d’étudier si le léflunomide peut limiter la capacité des cellules cancéreuses à former des métastases. Comme ce médicament est déjà homologué, le processus entre la recherche et les essais cliniques serait plus court que d’habitude.

La Dre St-Pierre conclut sur une note optimiste : « Si ce traitement s’avère efficace pour prévenir ou ralentir la formation de métastases de cancer du sein, le pronostic s’en trouvera inévitablement amélioré. »

En bref

L’enjeu

Malgré les avancées diagnostiques et thérapeutiques concernant le cancer du sein, les formes agressives de la maladie demeurent hautement problématiques pour les patientes et leurs familles. Au Canada, le taux de survie après cinq ans des personnes atteintes d’un cancer du sein de stade 4 se situe autour de 23 %.

La recherche

Les constatations préliminaires d’une chercheuse de l’Université d’Ottawa et d’un chercheur de l’Université McGill ouvrent la voie à des traitements prometteurs contre les cancers du sein agressifs. Les études précliniques de cette équipe ont révélé qu’un médicament ciblant le métabolisme cellulaire pourrait ralentir la formation de métastases de cancer du sein et améliorer le pronostic.

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